Suite de l’histoire de la tabatière en verre sous la dynastie Qing. (Première et deuxième parties).
Pour mémoire: à la suite des règnes de Kangxi et de Yongzheng, la rapide évolution du verre entraîne celles de méthodes décoratives inédites sur verre : la sculpture, le verre doublé (overlay), la dorure, la gravure…
Avec l’empereur Qianlong (1736-1795) la collaboration avec les missionnaires s’accentue, le mécénat s’étend et la verrerie réintègre en grande partie le Palais de Pékin. Après une brève période de transition, l’empereur s’entoure de plus en plus de jésuites aptes à superviser certaines productions impériales d’objets d’art. Il s’assure ainsi de perfectionner les bases techniques acquises auparavant et de les porter au plus haut niveau.
L’émaillage sur verre atteint son apogée. La couleur rose est maîtrisée et de véritables chefs-d’œuvre de la miniature apparaissent. Les décors purement occidentaux de personnages, paysages ou architectures voisinent avec des motifs chinois de paysages, végétaux et oiseaux inspirés de la peinture traditionnelle ou du registre décoratif des porcelaines. La majorité de ces tabatières est aujourd’hui conservée au Musée du Palais National de Taipei.
En 1740, le jésuite Gabriel-Léonard de Broussard dirige la verrerie. Même si des traces de « maladie » du verre persistent, une période prolifique débute, de haut niveau, durant laquelle de nombreuses tabatières en verre seront produites pour enrichir les collections impériales ou pour être offertes lors d’occasions spécifiques anniversaires ou nouvel an. Encore souvent monochromes, translucides ou opaques, elles épousent des formes plus chinoises avec des masques et anneaux aux épaules et commencent à se rapprocher des tabatières en agate ou en jade. Si le style facetté demeure, les flacons s’enrichissent parfois de décors sculptés ou incisés de calligraphies.
L’empereur Qianlong aime la poésie et fera graver ses propres poèmes sur des flacons en verre dont certains ont survécus. On continue de jouer sur l’imitation des matières comme le cristal de roche, l’améthyste, le jade, l’aigue-marine, l’agate, le réalgar, l’ambre… La marque Qianlong apposée sous la base atteste d’une destination impériale.
Les flacons en verre sont souvent soufflés à l’air libre ou dans un moule, mais ils peuvent aussi être sculptés dans la masse. Si le règne de Qianlong célèbre la quintessence du verre sculpté c’est probablement parce que les lapidaires des ateliers du palais impérial en sont les auteurs. La similitude de travail et de style entre les flacons en verre sculpté et les tabatières en néphrite ou agate est indéniable.
Ces artisans, héritiers d’une tradition séculaire, vont donc commencer à travailler le verre au 18ème siècle et notamment la technique dite « overlay ». Proche de celle du camée elle consiste à sculpter un décor dans plusieurs couches de verres superposés ou juxtaposés tout en jouant avec les couleurs des différentes strates ou taches. L’habilité du ciseleur consiste à utiliser au mieux des tons déterminés au départ en harmonie avec le sujet du décor et à le sculpter avec finesse et vigueur au gré de la forme du flacon avec un parfait équilibre. Les tonalités initiales furent le rouge sur un fond transparent ou d’aspect « floconneux » puis le bleu et le vert.
On ira jusqu’à superposer trois couleurs et juxtaposer huit nuances. Les tabatières de ce type sont rares et toujours de très haute qualité.
Les décors reprennent les thèmes classiques mais très variés de l’iconographie chinoise mais subissent aussi des influences étrangères à la mode comme le style Moghol.
A partir des années 1758-1760 le nombre de jésuites travaillant au Palais Impérial diminue. En conséquence la verrerie retrouve une direction totalement chinoise.
En marge de la production impériale et en réaction à la démocratisation de la tabatière, naissent des manufactures privées de haute qualité. Les verreries impériales fonctionnaient environ huit mois par ans mais fermaient durant les mois d’été trop chauds et dangereux à cause des incendies. Les artisans rentraient chez eux et ont donc pu véhiculer et transmettre savoir et compétence ailleurs, contribuant sans aucun doute à l’essor de verreries fortes d’une grande liberté d’expression car détachées du pouvoir central.